Crises économiques et adaptations de la Supply-Chain Titane, troisième partie.
Impact de la crise financière des subprimes :
En 2007 et 2008, les livraisons d’Airbus et Boeing atteignent les niveaux d’avant crise des Twin Towers. C’est à ce moment qu’éclate la crise des subprimes aux USA. Elle se propage ensuite à l’ensemble de la planète. D’abord à travers les systèmes bancaires, elle se traduit ensuite par une crise financière générale.
L’aéronautique semble peu affectée au vu du niveau des livraisons d’avions. En effet, on observe un plateau sur la courbe ci-dessous. Seules les prises de commandes s’effondrent en 2009 en conséquence directe aux problèmes de financement et de la récession qui s’installe. Cependant on est loin de l’époque de la guerre du Golfe, et le retour à la croissance du marché aéronautique est rapide . Dès 2010 les commandes sont supérieures aux livraisons, et 2011 confirme la sortie de crise.
Le milieu aéronautique n’en reste pas moins très préoccupé. Et dès 2008 les donneurs d’ordres engagent un déstockage majeur. Les développements du Dreamliner et de l’A350 prennent plus de temps que prévu. La bulle générée en 2005-2006 explose, et cela met les fournisseurs de la filière en difficulté.
Les autres secteurs économiques sont touchés de manière plus conséquente, industrie lourde, énergie, Oil and gas : les investissements sont à l’arrêt.
L’accident de Fukushima en 2011 vient mettre un coup de frein brutal aux activités nucléaires qui avaient résisté jusque là.
En conséquence, la demande en titane pour applications industrielles est fortement impactée.
Les producteurs et transformateurs de superalliages subissent également le déstockage aéronautique et les baisses de besoins des autres secteurs d’activité.
La croissance chinoise passe durablement sous la barre des 10%.
Les industriels chinois se lancent alors à la conquête du marché du titane dans le monde occidental. Les protections douanières aux USA sont dissuasives, et on retrouve cette offensive commerciale principalement en Europe.
La concurrence devient vive avec avec l’arrivée du titane asiatique.
Les acteurs du « titane industriel » se tournent vers l’aéronautique.
Les prix du titane chutent de manière spectaculaire, y compris le titane pour application aéronautique.
Le point bas est rapidement atteint en 2009.
La reprise arrive dès 2010 :
Les besoins croissent de nouveau. Le déstockage est en grande partie terminé. Le manque d’anticipation et de lissage a conduit à des tensions sur les délais d’approvisionnement et les prix remontent significativement en 2010 et 2011.
La période de déstockage a conduit à une baisse sensible d’activité qui a généré, à son tour, des mesures d’adaptations. Les ressources financières des sociétés qui se sont souvent endettées pour accompagner la montée en cadence d’avant crise sont en chute libre.
Certains acteurs disparaissent : Deutsche Titan ou ThyssenKrupp Titanium positionné sur le marché industriel et le titane CP arrête ses activités de production et démantèle son four EB-CHR à Essen.
Des projets sont arrêtés ou reportés :
- ATI décide d’arrêter définitivement le projet de construction d’une usine de production d’éponges de titane aux USA.
- Le projet EcoTitanium en France est différé d’une année en attendant de constater le retour à des perspectives de croissance du marché aéronautique.
Les flux historiques sont bouleversés :
Suite au lancement d’UKAD, UKTMP perd sa position de leader pour la fourniture d’éponges de Titane aux USA. Le Japon qualifie ses éponges en qualité aéronautique et devient le premier fournisseur des Etats Unis dès 2010.
Le Japon se lance également dans la production de pièces et produits aéronautiques en titane.
Le morcellement des acteurs rend la filière fragile vis à vis des « stop and go » du marché aéronautique. Les acteurs sont en difficulté de financement pour affronter le futur.
Les acteurs historiques de la supply-chain titane s’engagent ou sont engagés dans une nouvelle phase de concentration verticale cette fois.
Concentration verticale des acteurs de la supply-chain titane :
Les 3 acteurs US tendent vers le « business model » intégré du lingot à la pièce avionnable comme les propositions de VSMPO ou de l’association UKTMP-UKAD-Aubert et Duval.
En 2010, ATI (Allegheny Technologies Inc, USA) rachète Ladish et complète ainsi son offre avec des pièces matricées.
En 2012, le groupe PCC (Precision Castparts Corp, USA) fait l’acquisition de Timet qui rejoint ainsi SMC (élaboration de superalliages), Wyman Gordon et Carlton Forge.
ALCOA (USA) absorbe RTI en 2015 et consolide ainsi les activités aéronautiques avec Firth Rixson au sein de Howmet Aerospace.
Cela conduit à la construction de 3 géants, en mesure de se faire entendre des donneurs d’ordres. Ils peuvent ainsi imposer leurs vues sur le marché aéronautique dans un contexte particulièrement dynamique avec le renouvellement des longs courriers (B787, A350), puis des courts-moyens courriers (A320 Neo, B737 Max).
L’offre de ces 3 pôles constitués intègre a minima la fourniture de produits en titane, superalliages et aciers spéciaux pour les marchés de l’aéronautique.
UKAD , L’ADEME et le Crédit Agricole Centre France s’associent et lancent EcoTitanium en décembre 2014. Cette usine d’élaboration de lingots de titane vient boucler la chaîne de production UKTMP, UKAD, Aubert et Duval et leurs clients en réutilisant toutes les chutes générées durant la production de pièces et lors de leur fin de vie en service.